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Dans un monde où environ 400 000 vélos disparaissent chaque année en France (certaines sources évoquent même 580 000), la guerre contre les voleurs prend un tournant olfactif inattendu. Exit les chaînes robustes et les U blindés qui ne font que ralentir l’inévitable : l’avenir appartient aux solutions qui font appel à nos instincts les plus primitifs. C’est le pari audacieux d’Aïko Leroux, étudiante ingénieure en chimie à CPE Lyon, qui a conçu le CactUs Lock — un antivol qui ne se contente pas de résister, mais qui punit.
« J’avais un beau vélo. Son seul défaut, c’est qu’il était trop beau », raconte Aïko. « J’avais mis deux antivols certifiés d’une marque très réputée. J’avais une assurance et ça n’a pas suffi. Et tout ça en dix minutes, ce n’était pas de nuit. Il y avait du passage. Je ne pouvais pas faire plus… » Une situation tristement familière pour de nombreux cyclistes urbains.
Les limites des antivols traditionnels
« Je n’ai pas du tout la prétention de dire que l’antivol CactUs Lock est inviolable. Aujourd’hui, un voleur extrêmement déterminé arrivera à couper n’importe quel antivol. Il faut en moyenne 35 secondes entre l’attaque et la rupture d’un antivol », explique Aïko Leroux. Face à un voleur déterminé et bien outillé, le meilleur des antivols ne représente qu’un obstacle temporaire.
C’est précisément ce constat qui a poussé la jeune chimiste à explorer une voie radicalement différente : si l’on ne peut pas rendre un antivol physiquement inviolable, pourquoi ne pas le rendre psychologiquement repoussant ?
Quand l’odeur de la mort devient une arme
L’arme secrète d’Aïko ? La putrescine, cette molécule organique responsable de l’odeur caractéristique des corps en décomposition. Non toxique mais d’une efficacité redoutable, cette substance provoque une réaction de rejet immédiate et instinctive chez quiconque y est exposé.
« On est des êtres vivants, et à partir du moment où cette molécule de la putréfaction intervient, le cerveau se met en état d’alerte, » explique-t-elle. « Si le voleur est parfumé quand il coupe l’antivol, le gaz va se libérer et le cerveau va associer les deux odeurs pendant plusieurs jours. Quand le voleur va arriver dans sa salle de bain, il va prendre sa douche, il va se parfumer. Et là, il va avoir aussi toutes les odeurs de putrescine qui vont remonter. Ce n’est pas irréversible et ce n’est pas dangereux. »
La putrescine n’est pas choisie au hasard. « L’avantage de la putrescine, c’est que c’est une molécule qui est très connue », précise Aïko. « N’importe quel médecin légiste, thanatopracteur ou nettoyeur de scènes de crime connaît très très bien la molécule. Et donc on a du recul dessus. »
Un design qui annonce la couleur
Avant même de libérer son arôme nauséabond, le CactUs Lock mise sur la dissuasion visuelle. « L’antivol est de couleur verte. Cette couleur est très identifiable. Il y a aussi des petits stickers jaunes sur lesquels c’est écrit ‘putrescine, ne pas couper’. Le voilà prévenu… S’il persiste, l’odeur va être terrible », détaille Aïko.
D’apparence semblable à un antivol en U classique, avec ses dimensions de 30 x 13 cm, il dissimule un mécanisme ingénieux qui libère le gaz nauséabond uniquement lorsqu’il est entaillé. Le site de la marque annonce un « alliage haute résistance avec revêtement anti-disqueuse », bien que les détails précis du matériau ne soient pas communiqués.
L’expérience utilisateur : sécurité sans compromis
Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, le CactUs Lock ne présente aucun risque pour son propriétaire légitime. Le système ne s’active qu’en cas d’agression mécanique significative, comme celle produite par une disqueuse ou une pince coupante. Un support est également prévu pour le transport de l’antivol.
« Ce qui est sûr, c’est que ça va être désagréable pour le voleur. Mais l’idée, c’est vraiment de le dissuader en amont », insiste Aïko. Cette stratégie s’inspire des principes de la sécurité préventive : signaler clairement la présence d’un danger pour éviter d’avoir à l’activer.
Un prix qui fait grincer des dents
Si l’innovation séduit, son tarif pourrait en refroidir plus d’un : 259,99€ en prix public. Une centaine de précommandes bénéficient actuellement d’un prix réduit à 179,99€, destinées aux beta-testeurs aventureux. Ce positionnement premium s’explique par une fabrication intégralement française et la technologie brevetée qu’il renferme.
Est-ce un investissement justifié pour protéger son précieux deux-roues ? Tout dépend de la valeur de votre monture et de l’environnement dans lequel vous évoluez. Pour les propriétaires de vélos électriques ou haut de gamme dont la valeur dépasse souvent les 2000€, cet investissement pourrait s’avérer judicieux.
Le calendrier de lancement
Le projet CactUs Lock reste encore en phase de développement. Aïko Leroux indique que quelques ajustements sont encore nécessaires. Une phase de prétest est prévue, durant laquelle 100 personnes peuvent acheter l’antivol à un tarif remisé pour faire office de bêta-testeurs.
Les premières livraisons sont prévues pour l’été 2025, tandis qu’une commercialisation à plus grande échelle n’interviendra pas avant 2026. D’ici là, nul doute que cette innovation fera parler d’elle — ou plutôt, fera se pincer le nez.
Au-delà du vélo : des applications multiples
L’ambition d’Aïko ne s’arrête pas au marché du cycle. « Cette technologie pourrait aussi équiper la porte blindée d’un coffre-fort ou la porte de camionnettes. Pour les camions qui transportent des marchandises de grande valeur », révèle-t-elle. « En fait, c’est réutilisable à l’infini à partir du moment où les solutions qui existent ne sont plus assez dissuasives. »
La jeune chimiste semble avoir trouvé un créneau porteur, alors que son invention « grimpe en flèche », selon les mots de Gérald Bouchon dans son article.
Verdict : innovation brillante ou solution malodorante ?
Le CactUs Lock représente incontestablement une approche novatrice dans un domaine où l’innovation se fait rare. En jouant sur nos réactions instinctives plutôt que sur la seule résistance physique, Aïko Leroux pourrait bien avoir trouvé la parade ultime contre les voleurs les plus déterminés.
La solution n’est pas sans défauts : un prix élevé et une efficacité qui reste à prouver à grande échelle. Mais l’audace et l’originalité du concept méritent d’être saluées.
Reste à voir si les cyclistes seront prêts à investir dans cette solution premium et si son efficacité sera à la hauteur des attentes. Une chose est sûre : le CactUs Lock apporte un vent frais — quoique malodorant — dans l’univers des antivols. Et si l’idée prend racine, les voleurs de vélos pourraient bien devoir se reconvertir ou, à tout le moins, investir dans des masques à gaz.
En attendant les premiers retours d’expérience, on ne peut qu’admirer l’ingéniosité d’une solution qui transforme une connaissance scientifique pointue en réponse concrète à un problème quotidien. Un bel exemple d’innovation à la française, qui pourrait bien marquer un tournant dans notre approche de la sécurité antivol.
Ben les voleurs feront comme les legistes et thanatopracteurs un peu de pâte mentholée sur les narines pour ne rien sentir, un masque et hop…plus de souci..