Pourquoi certains coureurs ne digèrent pas le Col de la Loze (et ses 2 304 mètres d’altitude) ?

Cette image spectaculaire de coureurs en détresse physiologique au sommet du Col de la Loze interpelle et inquiète le grand public, révélant une réalité méconnue des limites de l’organisme humain face à l’altitude extrême.

La vérité scientifique derrière ces scènes troublantes va vous fasciner : à 2 304 mètres d’altitude, l’organisme subit une réduction de 25% de l’oxygène disponible, déclenchant chez 15% des cyclistes le mal aigu des montagnes avec ses symptômes caractéristiques de vomissements et nausées.

Cette étape mythique du Tour de France transforme les champions en cobayes involontaires d’un laboratoire physiologique grandeur nature, révélant les mécanismes fascinants et parfois terrifiants de l’adaptation humaine à l’hypoxie d’altitude.

Le Col de la Loze : un défi physiologique extrême

Inauguré en 2019, le Col de la Loze constitue le 7ème col le plus haut de France et s’impose déjà comme l’une des ascensions les plus redoutables du cyclisme mondial avec ses 28 kilomètres à 7,5% de moyenne depuis Brides-les-Bains.

Cette montée impitoyable cumule tous les facteurs de stress physiologique : effort prolongé de 2 à 3 heures, dénivelé colossal de 1 826 mètres, passages à plus de 20% et surtout, cette altitude de 2 304 mètres qui place les coureurs en hypoxie sévère.

Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, qualifie cette ascension de « prototype du col du 21ème siècle », formule qui résume parfaitement l’intensité physiologique de ce défi moderne taillé pour révéler les limites humaines.

Pourquoi 2 300 mètres changent tout

Au-delà de 2 000 mètres d’altitude, l’organisme bascule dans ce que les physiologistes appellent la « zone critique » où les mécanismes compensatoires habituels ne suffisent plus à maintenir les performances normales.

À 2 304 mètres précisément, la pression atmosphérique chute drastiquement, réduisant la quantité d’oxygène disponible dans chaque inspiration de 25% par rapport au niveau de la mer, contrainte physiologique majeure.

Cette réduction d’oxygène force l’organisme à des adaptations immédiates : augmentation de 15 à 20 battements par minute de la fréquence cardiaque, hyperventilation compensatoire et redistribution du flux sanguin vers les organes vitaux.

Le mal aigu des montagnes : quand le corps dit stop

Les vomissements spectaculaires observés chez certains coureurs au Col de la Loze résultent du mal aigu des montagnes (MAM), pathologie bien documentée qui affecte environ 15% des individus entre 2 000 et 2 500 mètres d’altitude.

Cette condition survient quand l’organisme ne parvient plus à compenser la raréfaction de l’oxygène, déclenchant une cascade de réactions physiologiques qui perturbent notamment le système digestif et l’équilibre neurologique.

Les symptômes gastro-intestinaux comme les nausées et vomissements constituent des manifestations classiques du MAM, signalant que l’organisme atteint ses limites d’adaptation à l’hypoxie d’altitude.

La science derrière les vomissements d’altitude

L’hypoxie d’altitude crée une compétition physiologique impitoyable pour l’oxygène disponible entre les muscles actifs et les organes digestifs, compromettant gravement la fonction gastro-intestinale des coureurs.

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Cette redistribution forcée du flux sanguin perturbe les mécanismes normaux de digestion et déclenche des réflexes nauséeux, phénomène amplifié par l’effort intense et prolongé exigé par l’ascension du Col de la Loze.

Les études récentes démontrent que l’exercice d’endurance sous hypoxie augmente significativement les marqueurs de lésions intestinales, expliquant scientifiquement ces symptômes de détresse gastro-intestinale observés chez les cyclistes.

L’impact physiologique dévastateur de l’effort en altitude

Au Col de la Loze, les coureurs subissent une diminution de leur capacité aérobie de 10 à 15%, réduction drastique qui les oblige à maintenir des efforts proches de leur seuil anaérobie pendant des durées exceptionnellement longues.

Cette situation physiologique extrême déclenche une alcalose respiratoire due à l’hyperventilation compensatoire, perturbant l’équilibre acido-basique de l’organisme et aggravant les symptômes du mal des montagnes.

La récupération entre les efforts devient également problématique à cette altitude, les mécanismes de clairance du lactate étant compromis par la réduction de l’apport d’oxygène aux muscles actifs.

Les facteurs aggravants spécifiques au cyclisme

L’intensité prolongée exigée lors de l’ascension du Col de la Loze amplifie considérablement les risques de troubles gastro-intestinaux par rapport à un séjour passif à la même altitude.

Cette situation est dramatiquement exacerbée par la fatigue accumulée après 170 kilomètres de course et le passage de deux cols précédents, état de stress physiologique qui fragilise l’organisme face à l’hypoxie.

La déshydratation, fréquente dans ces longues ascensions, aggrave significativement les symptômes du mal des montagnes, créant un cercle vicieux où chaque facteur amplifie les effets des autres.

Les champions face à leurs limites biologiques

Même les coureurs d’élite mondiale ne sont pas épargnés par ces phénomènes physiologiques, comme l’a douloureusement illustré Tadej Pogačar lors du Tour 2023, admettant par radio être « mort » et « fini » sur ce même col.

Cette défaillance spectaculaire du double vainqueur du Tour de France démontre que l’altitude impose ses lois physiologiques même aux organismes les plus entraînés et adaptés à l’effort extrême.

Les témoignages de coureurs comme Marc Soler, décrivant vouloir « vomir à chaque accélération » avant d’abandonner, soulignent la frontière ténue entre performance maximale et détresse physiologique à haute altitude.

L’inégalité génétique face à l’altitude

La susceptibilité au mal des montagnes présente une composante génétique marquée, expliquant pourquoi certains coureurs s’effondrent à 2 300 mètres tandis que d’autres conservent leurs capacités, inégalité biologique fondamentale.

Miguel Ángel López, vainqueur de la première étape au Col de la Loze en 2020, bénéficiait de son héritage génétique colombien, ayant grandi et s’entraînant régulièrement à plus de 2 500 mètres d’altitude.

Cette adaptation populationnelle séculaire aux conditions d’hypoxie confère aux coureurs sud-américains un avantage physiologique indéniable face aux européens sur ces étapes d’altitude extrême.

Les stratégies d’adaptation des équipes professionnelles

Les formations du World Tour développent des protocoles sophistiqués d’acclimatation incluant des stages d’entraînement en altitude dans des lieux comme la Sierra Nevada ou le Teide à Tenerife pendant les mois précédant le Tour.

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Ces camps permettent d’optimiser la production d’érythropoïétine naturelle et d’augmenter le nombre de globules rouges, adaptations physiologiques qui améliorent le transport d’oxygène vers les muscles actifs.

L’approche « vivre haut, s’entraîner bas » devient largement adoptée, méthode qui permet de bénéficier des adaptations de l’altitude tout en maintenant des intensités d’entraînement élevées au niveau de la mer.

La préparation nutritionnelle cruciale

Les besoins énergétiques augmentent significativement à haute altitude, nécessitant des stratégies d’apport en glucides spécialement adaptées pour éviter les défaillances qui peuvent précipiter l’apparition de vomissements.

L’hydratation devient un paramètre critique car la déshydratation s’aggrave rapidement en altitude et amplifie dramatiquement les risques de mal des montagnes, créant un cercle vicieux potentiellement dangereux.

Certaines équipes utilisent également des tentes hypoxiques ou des chambres d’altitude pour simuler ces conditions extrêmes, permettant une acclimatation progressive sans les contraintes logistiques des stages en montagne.

L’évolution tactique imposée par l’altitude

Le Col de la Loze modifie fondamentalement les stratégies de course traditionnelles, l’altitude rendant les attaques explosives moins efficaces au profit de la régularité et de la gestion de l’effort sur la durée.

Les coureurs doivent adapter leur dosage d’effort, privilégiant la constance sur l’explosivité car la récupération entre les accélérations devient quasi-impossible à cette altitude, révolution tactique majeure.

Cette contrainte physiologique influence l’ensemble de la hiérarchie du peloton, révélant parfois des coureurs insoupçonnés capables de s’adapter à l’hypoxie mieux que les favoris habituels des étapes de montagne.

Le Col de la Loze à 2 304 mètres représente l’expression ultime des défis physiologiques du cyclisme moderne, laboratoire grandeur nature qui révèle les mécanismes fascinants et parfois effrayants de l’adaptation humaine à l’hypoxie.

Les vomissements observés chez certains coureurs témoignent des limites absolues de l’organisme face à l’altitude extrême, rappelant que même les champions restent soumis aux lois implacables de la physiologie humaine.

Cette étape mythique continuera de séparer inexorablement les champions des coureurs ordinaires, révélateur impitoyable des capacités d’adaptation individuelle dans l’environnement hostile de la très haute montagne.

Alex
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1 réflexion sur “Pourquoi certains coureurs ne digèrent pas le Col de la Loze (et ses 2 304 mètres d’altitude) ?”

  1. Parfait votre article , il est dans la droite ligne de la volonté de nous faire croire que ce Col appartient à la légende du cyclisme.
    Alors qu’il n’a aucun passé , premier passage au Galibier 1911 pour exemple.
    Par contre bravo pour vos explications sur l’effet de l’altitude.

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