Arnaud Démare raccroche après 15 ans de sprints et d’exploits : une légende française s’en va

Dimanche 12 octobre 2025, sur la ligne d’arrivée de Paris-Tours, Arnaud Démare a franchi un dernier trait blanc. À 34 ans, après quinze saisons de sprints, de chutes, de victoires et de déceptions, « Nono » quitte le peloton professionnel.

Avec 97 victoires au compteur, un Monument, huit étapes du Giro et trois maillots tricolores, le Picard laisse derrière lui l’un des plus beaux palmarès du cyclisme français moderne. Mais au-delà des chiffres, c’est surtout un sprinter généreux, un équipier loyal et un champion humble qui tire sa révérence. Retour sur une carrière qui a marqué une génération.

🏆 Le sprint qui a changé une vie (Copenhague 2011)

Tout a commencé en 2011 sur les routes danoises. Arnaud Démare, 20 ans, décroche le titre de champion du monde espoirs à Copenhague. L’image reste gravée : le Français célèbre sa victoire aux côtés d’Adrien Petit, son poisson-pilote du jour. Symbole fort. Car Démare n’a jamais été un sprinteur solitaire.

Dès sa première saison professionnelle en 2012 chez FDJ-BigMat, il frappe fort. Première victoire au Tour du Qatar après seulement six jours de course. Puis la Vattenfall Cyclassics, devant des monstres comme Greipel, Boonen et Sagan. À 21 ans, Démare prouve déjà qu’il a sa place parmi les meilleurs sprinteurs du monde.

Mais ce qui le distingue dès le début, c’est son intelligence de course. Pas le sprinteur le plus puissant, pas le plus rapide en ligne droite. Mais un finisseur tactique, capable de se glisser dans les espaces, de lire les derniers hectomètres comme personne. Un sprinteur à l’ancienne, technique avant d’être brutal.

Adrien Petit, son compagnon de route depuis 2011, prend sa retraite la même année. Tout un symbole pour deux carrières liées depuis le début.

🇮🇹 Milan-Sanremo 2016, le jour où tout a basculé

Si Démare devait choisir une seule victoire, ce serait celle-là. Milan-Sanremo 2016, la Primavera, le premier Monument de la saison. Le Français résiste aux attaques, se relève d’une chute à 30 kilomètres de l’arrivée, et surgit sur la Via Roma pour décrocher le plus beau succès de sa carrière.

Il devient le premier Français vainqueur d’un Monument depuis 19 ans. Laurent Jalabert avait été le dernier en 1997. Entre-temps, c’était le désert. Démare brise cette malédiction et prouve qu’un pur sprinteur français peut encore briller sur les plus grandes classiques.

Ce jour-là, il entre dans l’histoire du cyclisme tricolore. Milan-Sanremo 2016 restera comme le sommet absolu d’une carrière exceptionnelle. Parce que gagner un Monument quand on est français, à cette époque, c’était presque devenu impossible.

Lire aussi :  Attention, votre vélo peut maintenant faire l'objet de cyberattaques !

🚴 Le roi du Giro, le maudit du Tour

Arnaud Démare et le Tour de France, c’est une histoire compliquée. Il attendait 2014 pour y participer pour la première fois. 2017 pour enfin y lever les bras à Vittel, avec le maillot tricolore sur les épaules. Puis une deuxième victoire en 2018 à Pau.

Mais le Tour s’est souvent refusé à lui. Trois abandons hors-délais (2017, 2021, 2024), des journées où les jambes ne répondaient plus dans les cols. Le Tour demande aux sprinteurs de tenir dans la montagne. Démare a souvent payé le prix fort.

En revanche, sur le Giro, c’était une tout autre histoire. Huit étapes remportées, un record pour un Français sur le Tour d’Italie. Plus que Hinault, plus qu’Anquetil. Deux maillots cyclamen en 2020 et 2022. Le Giro était son jardin, sa course, son terrain de jeu préféré.

Les chiffres du palmarès :

  • 97 victoires professionnelles (3e coureur en activité le plus victorieux)
  • 1 Monument : Milan-Sanremo 2016
  • 8 étapes du Giro + 2 maillots cyclamen
  • 2 étapes du Tour de France
  • 3 titres de champion de France (2014, 2017, 2020)
  • 2 victoires à Paris-Tours (2021, 2022)

💪 L’année COVID où il a tout écrasé

2020 restera comme l’année parfaite d’Arnaud Démare. Quatorze victoires, le meilleur total mondial cette saison-là, dont un titre de champion de France acquis à Grand-Champ sur un circuit pourtant taillé pour Julian Alaphilippe. Pendant toute la période COVID, Démare domine le sprint mondial.

Son train à la Groupama-FDJ avec Guarnieri, Konovalov, Sinkeldam et Scotson était une machine de guerre. Chaque sprint devenait prévisible : le train FDJ se positionne, Démare sort au bon moment, Démare gagne. Simple. Efficace. Implacable.

Pendant trois saisons, il tient la dragée haute aux meilleurs : Ewan, Van Aert, Philipsen, Girmay, Cavendish, Kooij. Tous y sont passés. Démare était devenu le référent du sprint français, celui qu’on attendait sur chaque arrivée au sprint.

Cette domination lui vaudra aussi des critiques. Certains lui reprochaient d’être « trop prévisible », de gagner « toujours de la même façon ». Mais en sprint, la constance est une qualité rare. Démare l’avait.

🤝 L’équipier que personne n’attendait

Ce qui distingue vraiment Arnaud Démare, c’est sa capacité à s’effacer. Depuis son arrivée chez Arkéa-B&B Hotels en 2023, il a endossé un rôle d’équipier pour les autres. Pas par obligation. Par choix.

Lire aussi :  Dopage, justice et controverse : Le Giro 2011 marqué par l'affaire Contador

Sur le Tour de France 2025, il sacrifie ses propres ambitions pour Kevin Vauquelin. « Quand on a Arnaud Démare qui roule pour nous, c’est quand même quelque chose de sacrément exceptionnel », avouait Vauquelin. Rares sont les champions capables de cette humilité.

Démare l’avait déjà fait pour David Gaudu, Thibaut Pinot chez Groupama-FDJ, pour Julian Alaphilippe aux Championnats du monde 2021 à Louvain. « Je l’ai déjà fait par le passé, mais on n’en parlait pas », expliquait-il simplement.

Cette classe-là ne s’apprend pas. Elle fait partie de l’ADN d’un champion complet.

💬 Trois mots pour définir sa carrière

Dimanche à Tours, Arnaud Démare était submergé par l’émotion. Les autres coureurs l’ont salué au départ. Le public l’a ovationné à l’arrivée. Une haie d’honneur pour un champion qui a marqué quinze ans de cyclisme français.

« Je suis fier de ce que j’ai fait, j’ai adoré tout ce que j’ai vécu », disait-il au micro de l’organisateur. Pas de regrets. Pas d’amertume. Juste de la gratitude pour cette vie incroyable que le vélo lui a offerte.

Il aurait voulu atteindre les 100 victoires. Il s’arrête à 97. Peu importe finalement. Les chiffres ne racontent qu’une partie de l’histoire. Ce qui restera d’Arnaud Démare, c’est un sprinteur technique et généreux, un champion humble et loyal, une légende du cyclisme français moderne.

Après Thibaut Pinot en 2023 et Romain Bardet en juin 2025, le cyclisme tricolore voit partir un autre grand. Trois noms qui ont porté le maillot bleu-blanc-rouge au sommet pendant une décennie. Trois carrières qui se terminent presque en même temps, tournant une page entière du cyclisme français.

Alors merci pour tout, Nono. Pour les sprints gagnés, pour les échecs dignes, pour l’exemple donné. Tu pars par la grande porte.

Thibault
Notez cet post