8000 kcal, 13,8 km à 8 % : la physiologie extrême d’un coureur comme Pogačar

Alpe d’Huez, 21 lacets, 13,8 kilomètres d’ascension, 8% de pente moyenne. Tadej Pogačar vient de pulvériser 8000 calories en une seule journée – l’équivalent de 16 Big Mac avalés d’une traite, ou 76 bananes englouties coup sur coup.

Cette dépense énergétique phénoménale correspond à ce qu’un humain normal consomme en quatre jours complets. Mais pour les coureurs du Tour de France lors des étapes de haute montagne, c’est juste une journée de bureau. Une journée où leur corps fonctionne comme une centrale thermique à plein régime.

Derrière ces chiffres vertigineux se cache une réalité physiologique qui défie l’entendement humain. Comment ces athlètes de 66 kilos comme Pogačar parviennent-ils à transformer leur organisme en machine à brûler l’énergie sans s’effondrer ?

L’anatomie d’une journée à 8000 calories

Une étape de haute montagne combine tous les facteurs d’explosion calorique : 5 à 6 heures d’effort intense, dénivelés de plus de 3000 mètres, altitude qui raréfie l’oxygène, température qui oscille entre 35°C en vallée et 5°C au sommet. Le corps de Pogačar devient littéralement une chaudière humaine.

Sur les 8000 calories quotidiennes, environ 4500 sont cramées pendant l’effort pur, tandis que 2500 à 3000 correspondent au métabolisme de base dopé par l’intensité. Contrairement à une idée reçue, 40 à 50% de cette énergie provient des réserves de graisses (2000 calories), le reste devant être apporté par l’alimentation en temps réel.

Comparaison plat vs montagne : le grand écart

La différence entre une étape plate et une journée de montagne révèle la brutalité des Alpes et Pyrénées. Sur terrain plat, un coureur « se contente » de 4000 à 5000 calories, soit une consommation déjà délirante pour le commun des mortels. Mais dès que la route s’élève, l’addition explose littéralement.

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Trois facteurs transforment une étape normale en cauchemar énergétique :

  • L’effort musculaire multiplié : gravir 1300 mètres de dénivelé au Galibier mobilise chaque fibre musculaire
  • L’hypoxie d’altitude : moins d’oxygène = rendement énergétique catastrophique
  • La durée sans répit : 6 heures d’effort à plus de 6,5 watts/kg pour les meilleurs

La machine Pogačar en chiffres

Les données physiologiques du triple vainqueur du Tour donnent le vertige. Poids de course : 64,5 kilos (69 kilos l’hiver). Rythme cardiaque au repos : 37 battements par minute endormi. Puissance critique : 415 watts pendant une heure. Ratio puissance/poids : 7 watts par kilo pendant 40 minutes au Plateau de Beille.

Cette dernière performance défie les lois de la physiologie humaine. Pour maintenir 7W/kg pendant 40 minutes après une étape de 165 kilomètres et 4 cols, Pogačar a dû transformer son organisme en réacteur nucléaire ambulant. Aucun coureur dans l’histoire n’avait jamais affiché de tels ratios sur une durée pareille.

Stratégie nutritionnelle de l’extrême

Ingérer 8000 calories sans exploser l’estomac relève de la science-fiction nutritionnelle. Les coureurs modernes consomment jusqu’à 120 grammes de glucides par heure – soit l’équivalent de 2,5 bananes toutes les 60 minutes pendant 6 heures d’affilée.

Le menu type d’une étape de montagne ressemble à un délire de goinfre : petits pains à la confiture, barres énergétiques, gels sucrés, boissons isotoniques, mini-donuts, sandwiches entiers avalés à 50 km/h. Certaines équipes expérimentent même les jus concentrés pour éviter la « fatigue alimentaire » – quand l’estomac refuse physiquement d’avaler une bouchée de plus.

8000 calories en une journée représentent l’aboutissement de l’évolution physiologique humaine appliquée au cyclisme. Ces chiffres, impensables il y a 20 ans, illustrent la transformation des coureurs modernes en cyborgs de l’endurance.

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Pour mesurer l’exploit : un sédentaire moyen brûle 2000 calories par jour. Pogačar en montagne consomme l’équivalent énergétique de quatre humains normaux tout en maintenant un poids plume de 64 kilos. Cette équation impossible fait de lui et ses rivaux les machines biologiques les plus efficaces jamais développées par l’espèce humaine.

Thibault
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