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Le 12 juillet 1964, le Tour de France s’apprête à vivre l’une des étapes les plus mythiques de son histoire. Sur les pentes impitoyables du Puy de Dôme, deux hommes vont s’affronter dans un duel titanesque qui restera à jamais gravé dans les mémoires : Raymond Poulidor et Jacques Anquetil. Ce face-à-face entre l’éternel second et le champion établi cristallise l’une des plus grandes rivalités du cyclisme français, divisant le pays et transcendant le simple cadre sportif.
Le duel qui a divisé la France
Deux champions, deux styles
En ce mois de juillet 1964, la France du cyclisme est coupée en deux. D’un côté, les supporters d’Anquetil, surnommé « Maître Jacques », admirent son style élégant et sa maîtrise tactique. Quadruple vainqueur du Tour à ce moment-là, il incarne le champion froid et calculateur. De l’autre, les fans de Poulidor, « l’éternel second », s’identifient à ce coureur courageux et malchanceux, jamais vainqueur de la Grande Boucle malgré son immense talent.
Cette opposition reflète aussi deux France qui s’affrontent : la France urbaine et moderne d’Anquetil contre la France rurale et traditionnelle de Poulidor. Comme le souligne le journaliste Jean-Paul Ollivier : « Anquetil et Poulidor incarnaient deux visions de la société française en pleine mutation des années 60. »
L’ascension mythique du Puy de Dôme
L’étape du 12 juillet 1964 relie Brive-la-Gaillarde au sommet du Puy de Dôme sur 237,5 kilomètres. Après une longue échappée neutralisée, tout se joue dans l’ascension finale : 10 kilomètres à 9% de moyenne, avec des passages à 13% dans les derniers kilomètres. Un terrain idéal pour un affrontement entre deux des meilleurs grimpeurs de l’époque.
Au pied de l’ascension, Anquetil porte le maillot jaune avec 56 secondes d’avance sur Poulidor. Ce dernier sait qu’il joue sa dernière carte pour renverser la course. La tension est palpable, comme le rapporte Jacques Goddet, directeur du Tour, dans L’Équipe du lendemain : « Leur souffle, leur sueur et la laine de leurs maillots se mêlaient. »
Une bataille tactique d’anthologie
L’attaque de Poulidor
Dès les premiers kilomètres de l’ascension, les deux hommes se retrouvent seuls en tête. Pendant plus de deux kilomètres, ils roulent côte à côte, se surveillant, cherchant la faille chez l’adversaire. Poulidor tente plusieurs accélérations, mais Anquetil s’accroche.
Dans son autobiographie « Poulidor intime » (1974), Raymond Poulidor raconte : « Si je ne l’ai lâché qu’à 900 mètres de l’arrivée, c’est que je n’ai pas pu le faire avant. C’est facile de dire que j’aurais dû attaquer plus tôt, mais on ne lâche pas Anquetil comme ça. »
Finalement, à moins d’un kilomètre du sommet, Poulidor place une attaque décisive. Anquetil, à bout de forces, ne peut suivre. Le « Poupou » s’envole vers la victoire d’étape sous les acclamations de la foule.
La résistance d’Anquetil
Malgré sa défaite d’étape, Anquetil réalise un véritable exploit tactique. En limitant les dégâts dans les derniers hectomètres, il parvient à conserver le maillot jaune pour 14 secondes. Une performance qui illustre parfaitement son sens tactique et sa capacité à gérer l’effort.
Après l’arrivée, Anquetil lâche cette phrase devenue célèbre : « Il m’a pris quarante-deux secondes, il m’en reste quatorze. C’est quatorze de trop. » Une déclaration qui montre à la fois son soulagement et sa confiance pour la suite du Tour. En effet, spécialiste du contre-la-montre, il sait qu’il a désormais de grandes chances de remporter son cinquième Tour de France.
L’héritage d’une rivalité légendaire
Impact sur le cyclisme moderne
Le duel Anquetil-Poulidor sur le Puy de Dôme a profondément marqué l’histoire du cyclisme. Il a contribué à populariser ce sport en France, attirant l’attention des médias et du public comme jamais auparavant. Cette rivalité a également influencé les générations suivantes de coureurs, inspirant de nombreux jeunes cyclistes français dans les décennies suivantes.
Sur le plan tactique, cet épisode a mis en lumière l’importance croissante des contre-la-montre dans les grands tours. La capacité d’Anquetil à limiter les pertes en montagne pour ensuite faire la différence dans l’exercice solitaire a inspiré de nombreux champions par la suite, comme Miguel Indurain.
Une histoire toujours vivante
Plus de 60 ans après les faits, le duel Anquetil-Poulidor continue de fasciner les passionnés de cyclisme. Il est devenu un point de référence culturel en France, dépassant largement le cadre du sport. Les expressions « faire un Anquetil » (gagner avec style) et « faire un Poulidor » (être un éternel second) sont entrées dans le langage courant.
Cette rivalité reste un modèle pour les duels modernes dans le cyclisme. Elle rappelle que les plus grandes légendes du cyclisme qui ont façonné ce sport ne se résument pas à leurs victoires, mais aussi à leur capacité à marquer les esprits et à incarner des valeurs.
Plus récemment, des coureurs comme Thomas Voeckler, dont l’histoire inspirante en a fait une idole française, ont ravivé le souvenir de cette époque héroïque du cyclisme français. Voeckler, par son panache et sa popularité, a souvent été comparé à Poulidor, prouvant que l’héritage de ces légendes reste bien vivant dans le cyclisme moderne.
En conclusion, le duel entre Anquetil et Poulidor sur les pentes du Puy de Dôme en 1964 reste l’un des moments les plus emblématiques de l’histoire du Tour de France. Au-delà de la simple confrontation sportive, il a cristallisé les espoirs et les passions de toute une nation, laissant une empreinte indélébile dans la culture populaire française. Cette rivalité légendaire continue d’inspirer les coureurs et les fans de cyclisme, rappelant que les plus grandes histoires du sport dépassent souvent le cadre de la simple compétition.
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