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Le Col du Galibier, géant des Alpes culminant à 2642 mètres, est devenu depuis 1911 le théâtre des plus grandes batailles du Tour de France. De l’héroïque Émile Georget aux exploits modernes de Marco Pantani, ce col mythique continue de forger la légende du cyclisme, mettant à l’épreuve les plus grands grimpeurs de l’histoire.
La naissance d’un mythe (1911-1950)
La première ascension héroïque
Le 10 juillet 1911, le Tour de France franchit pour la première fois le Col du Galibier. Henri Desgrange, directeur de L’Auto et créateur de la Grande Boucle, écrit alors dans son journal : « Oh ! Sappey ! Oh ! Laffrey ! Oh ! Col Bayard ! Oh ! Tourmalet ! […] devant ce géant, il n’y a plus qu’à tirer son bonnet et à saluer bien bas ! » Cette déclaration pose d’emblée le Galibier comme un défi ultime pour les coureurs.
Émile Georget, premier à franchir le sommet sans mettre pied à terre, s’exclame : « Ça vous en bouche un coin ! » Son exploit, réalisé avec un vélo à pignon fixe et un développement de 4,5 mètres, souligne la difficulté extrême de l’ascension à l’époque. Les coureurs devaient affronter une route en terre, parsemée de cailloux, bien loin du revêtement moderne.
Les pionniers face au géant
Entre 1911 et 1937, le Galibier reste le point culminant du Tour de France. Les coureurs de l’époque, comme Henri Pélissier ou André Leducq, forgent leur légende sur ses pentes. En 1930, un incident marque les esprits : le maillot jaune André Leducq, en larmes au bord de la route après deux chutes près de Valloire, illustre la dureté du col.
La dangerosité du Galibier se rappelle tragiquement aux coureurs en 1935, lorsque le coureur espagnol Francesco Cepeda décède après une chute dans la descente du Lautaret. Cet événement souligne les risques pris par les cyclistes sur ces routes de montagne encore peu aménagées.
L’âge d’or du Galibier (1950-2000)
Les innovations qui ont changé l’ascension
L’après-guerre voit l’évolution rapide du matériel cycliste, transformant progressivement l’ascension du Galibier. L’introduction du dérailleur, autorisé sur le Tour depuis 1937, permet aux coureurs de mieux gérer leur effort. Les vélos s’allègent, passant de 15 kg dans les années 1950 à moins de 10 kg dans les années 1990.
Le revêtement de la route s’améliore également, avec l’asphaltage complet dans les années 1950. Cette évolution permet des ascensions plus rapides et moins périlleuses. En 1976, une modification majeure intervient : le tunnel sommital, ouvert en 1891, est fermé pour des raisons de sécurité. Un nouveau tracé est alors créé, passant par le col géographique et augmentant l’altitude de passage de 2556 à 2642 mètres.
Les batailles légendaires
Le Galibier devient le théâtre de duels épiques qui marquent l’histoire du Tour. En 1952, Fausto Coppi y lance une attaque décisive qui le mènera à la victoire finale. Les cols mythiques du Tour de France comme le Galibier voient s’affronter les plus grands grimpeurs : Federico Bahamontes, surnommé « l’Aigle de Tolède », y confirme sa suprématie dans les années 1950, tandis que Lucien Van Impe y construit sa réputation de roi de la montagne dans les années 1970.
L’apogée de cette période survient le 27 juillet 1998, lorsque Marco Pantani réalise une ascension mémorable. Le « Pirate » italien gravit les 17,5 km depuis Valloire en seulement 34 minutes et 30 secondes, à une vitesse moyenne stupéfiante de 23,08 km/h : « Il était comme un aigle qui montait en flèche, et Jan Ullrich, alors en jaune, était comme un oiseau qui tombait en panne. » Cette performance reste gravée dans les mémoires comme l’une des plus grandes de l’histoire du cyclisme.
Le Galibier moderne (2000-2023)
Nouvelles technologies et records
L’ère moderne du cyclisme voit l’apparition de nouvelles technologies qui transforment l’approche du Galibier. L’histoire des innovations cyclistes montre comment l’utilisation de capteurs de puissance, introduits dans les années 2000, permet aux coureurs de gérer leur effort avec une précision inédite. Les vélos en carbone, pesant moins de 7 kg, offrent un avantage considérable par rapport aux machines d’antan.
Les stratégies d’équipe évoluent également. Alors que les attaques lointaines étaient courantes dans le passé, les coureurs modernes tendent à attendre les derniers kilomètres pour lancer leurs offensives décisives. Cette approche, combinée aux progrès technologiques, a conduit à des ascensions de plus en plus rapides, sans toutefois battre le record de Pantani, qui reste un exploit hors norme.
L’héritage pour les futures générations
En 2011, pour célébrer le centenaire de son premier passage, le Tour de France franchit le Galibier deux fois, avec une arrivée d’étape au sommet le 21 juillet. Cette étape, la plus haute de l’histoire de l’épreuve à 2645 mètres d’altitude, réaffirme le statut légendaire du col.
Aujourd’hui, le Galibier reste un défi majeur pour les cyclistes professionnels et amateurs. La légende de Marco Pantani et des autres géants qui ont marqué l’histoire du col continue d’inspirer les nouvelles générations. Chaque année, des milliers de cyclotouristes tentent de conquérir ses pentes, suivant les traces des champions.7
Le Col du Galibier, avec ses 34,8 km d’ascension depuis Saint-Michel-de-Maurienne et ses 2120 mètres de dénivelé, demeure le juge de paix par excellence du Tour de France. Il incarne l’essence même du cyclisme de montagne : un défi physique et mental où l’homme se mesure à la nature dans sa forme la plus pure et la plus exigeante.
Alors que le cyclisme continue d’évoluer, avec l’émergence de nouvelles technologies et de nouvelles stratégies, le Galibier reste immuable. Il continue de façonner l’histoire du sport, testant la limite des coureurs et offrant aux spectateurs des moments d’une intensité rare. Plus qu’un simple col, le Galibier est devenu un symbole, un monument vivant du cyclisme qui continue d’écrire sa légende, année après année.
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