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Il y a des moments à vélo qui ne ressemblent à aucun autre. Pas une course, pas une performance, juste un rendez-vous avec la lumière. Ce jour-là, j’ai enfourché mon vélo à Erquy, en Bretagne, avec un seul objectif : être au Cap Fréhel avant que le soleil ne touche la mer. Quarante kilomètres pour un coucher de soleil. Ça paraît absurde sur le papier. Ça devient évident une fois sur place.
Voici pourquoi ce trajet reste gravé dans ma mémoire comme l’un des plus beaux de ma vie.
🌾 Quand la lande bretonne devient cathédrale de lumière
Dès les premiers kilomètres, la route serpente entre les pins maritimes et les champs d’ajoncs qui explosent de jaune. L’air est doux, légèrement salé, presque sucré par endroits. Le bruit des vagues au loin accompagne le cliquetis régulier de la chaîne. Le ciel, encore pâle en ce début de soirée d’octobre, commence déjà à se teinter d’or cuivré.
Je longe la côte bretonne, parfois au bord des falaises qui plongent vertigineusement dans l’eau turquoise, parfois à travers les landes couvertes de bruyères violettes. Un patchwork de verts profonds et de violets électriques qui semble s’étirer à l’infini, jusqu’à l’horizon qui commence à rougir.
À chaque virage, une nouvelle perspective se dévoile : un petit port de pêche aux bateaux colorés, une crique déserte où les goélands se posent, une silhouette de phare au loin qui me guide. La Bretagne a ce don rare de mêler sauvagerie absolue et sérénité profonde dans un même paysage.
🧭 La course contre la lumière déclinante
À une vingtaine de kilomètres d’Erquy, la route devient plus exigeante. Quelques montées raides forcent à se lever de la selle, à pousser fort sur les pédales. Le vent se renforce brutalement, l’odeur d’iode se fait plus présente, plus violente. Chaque coup de pédale rapproche du but : ce phare mythique du Cap Fréhel, dressé fièrement sur ses falaises à pic de 70 mètres au-dessus de la mer déchaînée.
Je regarde l’heure sur mon compteur. Il reste quarante minutes avant le coucher officiel du soleil. Le tempo change immédiatement : il ne s’agit plus de rouler vite pour performer, mais de ne surtout pas manquer la lumière. Chaque minute compte désormais. Les jambes répondent sans hésiter.
Le paysage se durcit progressivement. Les arbres disparaissent, laissant place à une lande rase battue par les vents. Les falaises deviennent plus abruptes, plus impressionnantes. La mer rugit en contrebas, puissante et hypnotique.
🌅 Le moment où tout bascule dans l’or et le cuivre
Puis, d’un coup, le paysage s’ouvre complètement. La mer apparaît dans toute sa majesté, immense, couleur cuivre fondu sous la lumière rasante. Le vent siffle entre les rochers noirs sculptés par des millénaires de tempêtes, les goélands tournent dans le ciel devenu doré, leurs cris se mêlant au fracas des vagues.
Je m’arrête net, le cœur battant. Pas de fatigue physique, mais une émotion pure qui monte sans prévenir. Devant moi, le soleil plonge lentement derrière l’horizon infini, projetant sur l’eau des reflets d’or liquide et de rose incandescent. Le phare du Cap Fréhel se découpe en silhouette noire sur ce tableau vivant.
Tout devient silencieux dans ma tête. On entend juste le souffle puissant du vent, les vagues qui explosent en contrebas sur les rochers, et mon propre souffle qui se calme progressivement. La selle inconfortable, les montées qui ont brûlé les cuisses, les jambes lourdes ? Tout s’efface. Ce moment suspendu efface absolument tout le reste.
💭 Ce que quarante kilomètres m’ont appris sur le vélo
En redescendant vers Erquy dans la lumière crépusculaire bleutée, alors que les premières étoiles commençaient à percer le ciel, je me suis demandé pourquoi on aime tant rouler. La vraie raison. Celle qu’on ne dit pas sur Strava.
Ce n’est pas pour les chiffres affichés, ni les applis qui vibrent, ni les watts moyens, ni les KOM virtuels. C’est pour ces instants rares où la nature, la fatigue physique et la beauté pure s’accordent parfaitement. Où chaque coup de pédale devient une manière de se rapprocher de quelque chose d’essentiel en soi-même.
Ces moments où le vélo cesse d’être un sport pour redevenir ce qu’il a toujours été : un moyen simple de se déplacer dans le monde, de le sentir vraiment, de le vivre pleinement.
🗺️ Si vous voulez vivre ça aussi
L’itinéraire exact :
- Départ : Erquy, centre-ville ou port
- Arrivée : Cap Fréhel (phare)
- Distance : 20 km aller (40 km aller-retour)
- Dénivelé : +250 m environ
- Durée : 1h15 à 1h45 selon le niveau
Conseils essentiels :
- Timing crucial : partez 2h avant le coucher de soleil pour profiter pleinement
- Coupe-vent obligatoire : le vent au Cap peut être brutal même en été
- Lumières de vélo : le retour se fait dans l’obscurité quasi-totale
- Période idéale : septembre-octobre pour les couleurs et la lumière dorée
🌟 Pourquoi vous devriez le faire demain
Oui, j’ai pédalé quarante kilomètres pour un coucher de soleil de quinze minutes. Et je le referais mille fois sans hésiter. Parce que ces quinze minutes valent plus que des heures d’entraînement chronométré. Elles valent plus que n’importe quelle performance mesurée.
Elles rappellent pourquoi on a commencé à faire du vélo un jour : pour sentir le vent, pour voir des choses belles, pour être vivant pleinement. Le Cap Fréhel au coucher du soleil n’est pas un col à cocher. C’est un rendez-vous avec ce qui compte vraiment.




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