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Perchée à 2145 mètres d’altitude dans les Carpates méridionales, la Transalpina est bien plus qu’une simple route de montagne. Surnommée « Drumul Regelui » (la Route du Roi), cette ancienne voie de transhumance transformée en joyau routier offre aux cyclistes l’une des expériences les plus authentiques et spectaculaires d’Europe de l’Est. Avec ses 148 kilomètres traversant quatre comtés roumains, cette route classée HC (Hors Catégorie) représente un défi technique modéré mais une aventure culturelle incomparable. Préparez-vous à découvrir le secret le mieux gardé des Carpates.
La sentinelle des Carpates: carte d’identité d’un géant méconnu
Un col aux multiples visages
Officiellement désignée DN67C, la Transalpina porte plusieurs noms révélateurs de son histoire: « Drumul Regelui » (Route du Roi) en hommage au roi Carol II qui supervisa sa modernisation dans les années 1930, mais aussi « Poteca Dracului » (Chemin du Diable) comme l’appelaient autrefois les bergers confrontés à ses difficultés.
Son point culminant, le col d’Urdele à 2145 mètres, en fait la route asphaltée la plus haute de Roumanie et l’une des plus élevées des Balkans. Située dans les montagnes Parâng (Carpates méridionales), elle traverse quatre comtés: Alba, Sibiu, Vâlcea et Gorj.
Deux versants, deux défis distincts
Le versant nord depuis Sebeș (270m) s’étend sur 92 kilomètres avec un dénivelé de 1875 mètres et une pente moyenne de 2%. Son point critique se situe au kilomètre 85 avec une pente maximale de 10,5%.
Le versant sud depuis Novaci (550m) est plus court mais plus intense: 56 kilomètres, 1595 mètres de dénivelé et une pente moyenne de 2,8%. Sa section la plus exigeante atteint 11% au kilomètre 30, juste avant la station de ski de Rânca.
De chemin de bergers à route royale: l’histoire fascinante de la Transalpina
Une voie ancestrale transformée par l’histoire
Utilisée depuis l’Antiquité comme voie de transhumance par les bergers locaux, la Transalpina a connu plusieurs transformations majeures. Certaines légendes non vérifiées attribuent sa construction initiale aux légions romaines, mais son premier développement significatif date de la Première Guerre mondiale, lorsque les forces allemandes l’aménagèrent pour des raisons stratégiques.
C’est sous le règne du roi Carol II, entre 1934 et 1939, que la route fut véritablement modernisée, lui valant son surnom de « Route du Roi ». Après une nouvelle réhabilitation pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est tombée dans un relatif oubli jusqu’à sa rénovation complète en 2009.
Une controverse moderne autour d’un trésor national
La rénovation de 2009, achevée à un coût de 385 millions d’euros, a suscité de vives controverses en Roumanie. Certains critiquaient l’investissement massif dans une route fermée six mois par an en raison de la neige, tandis que d’autres y voyaient un potentiel touristique majeur pour cette région isolée des Carpates.
Officiellement ouverte en 2012, la Transalpina reste aujourd’hui une route à caractère saisonnier, généralement accessible de juin à octobre, avec des horaires limités (8h-20h) pour des raisons de sécurité.
L’ascension par le nord: la longue approche de Sebeș
Premier tiers: la montée en douceur vers le lac Oașa
Les 50 premiers kilomètres depuis Sebeș offrent une mise en jambes progressive avec une pente moyenne de seulement 1,5%. Cette section traverse des forêts denses et mène au magnifique lac Oașa, point de ravitaillement essentiel avant d’aborder les sections plus difficiles.
Le revêtement, entièrement asphalté depuis 2009, reste généralement en bon état, bien que des dégradations localisées puissent apparaître après les hivers rigoureux. La circulation est modérée, avec une limitation de vitesse à 30 km/h sur l’ensemble du parcours.
Le cœur de l’ascension: d’Oașa à Obârșia Lotrului
Entre les kilomètres 50 et 70, l’ascension prend un caractère plus sérieux avec une pente moyenne de 3,5% et des passages à 8%. Cette section longe la rivière Lotru à travers une forêt dense, offrant une ombre bienvenue pendant les chaudes journées d’été.
À Obârșia Lotrului (km 70), vous trouverez le dernier point de ravitaillement avant le sommet. Cette intersection stratégique est aussi l’endroit idéal pour évaluer vos forces et la météo avant d’attaquer la section finale.
L’assaut final: vers le col d’Urdele
Les 22 derniers kilomètres constituent le véritable défi avec une pente irrégulière culminant à 10,5% au kilomètre 85. Le paysage change radicalement: la forêt cède la place à des panoramas alpins à couper le souffle, avec une visibilité qui peut atteindre des dizaines de kilomètres par temps clair.
Au sommet du col d’Urdele (2145m), un panneau discret marque le point culminant. Prévoyez des vêtements chauds même en été: la différence de température avec la vallée peut atteindre 10°C.
L’ascension par le sud: l’approche intense depuis Novaci
La montée vers Rânca: où se joue la sélection
Les 30 premiers kilomètres depuis Novaci constituent la section la plus exigeante du versant sud avec une pente moyenne de 3,8% et des passages à 11%. Cette portion traverse plusieurs petits villages traditionnels avant d’atteindre la station de ski de Rânca, dernier avant-poste de civilisation avant les hauteurs alpines.
C’est sur ce segment que se joue votre ascension: gérez bien votre effort car les passages les plus raides se situent juste avant Rânca. Le revêtement est généralement bon mais peut présenter des imperfections dans les zones les plus exposées aux intempéries.
De Rânca au sommet: la récompense panoramique
Les 26 kilomètres restants offrent un répit relatif avec une pente moyenne de 1,7%. Vous évoluez désormais au-dessus de la limite des arbres, dans un paysage lunaire où les vues à 360° sur les Carpates méridionales sont simplement spectaculaires.
Cette section finale est particulièrement exposée aux éléments: vent, brouillard et orages peuvent s’y développer rapidement, même par beau temps en vallée. Restez attentif aux changements météorologiques et n’hésitez pas à faire demi-tour si les conditions se dégradent.
L’arsenal du grimpeur: s’équiper pour conquérir la Transalpina
Quel vélo pour dompter ce géant roumain?
Un vélo de route classique est parfaitement adapté à la Transalpina grâce à son revêtement entièrement asphalté. Optez pour des pneus de 25-28 mm pour un confort optimal, voire 28-32 mm si vous prévoyez d’explorer les routes secondaires ou si vous craignez des sections dégradées après l’hiver.
Côté développements, un compact (34-32) est recommandé pour les cyclistes confirmés, tandis que les débutants apprécieront un 34-36 pour affronter sereinement les passages à 11%. Contrairement au Grand Colombier et ses pentes extrêmes de 22%, un défi encore plus technique, la Transalpina reste accessible avec un braquet standard bien choisi.
La garde-robe adaptée aux caprices de l’altitude
Même en plein été, prévoyez une tenue multicouche: maillot technique, gilet coupe-vent et imperméable léger sont indispensables. Les variations de température entre vallée et sommet peuvent atteindre 10°C, et les orages d’après-midi sont fréquents en montagne.
N’oubliez pas les accessoires essentiels: gants longs, couvre-chaussures légers et buff polyvalent vous protégeront en cas de changement météorologique soudain. Un bonnet fin sous le casque peut s’avérer précieux pour la descente, même en été.
L’équipement de sécurité non négociable
Emportez deux bidons (les points d’eau sont rares) et des tablettes électrolytiques pour prévenir les crampes. Un éclairage avant/arrière est obligatoire même en journée, la route étant fermée après 20h et certains passages pouvant être ombragés.
Votre téléphone doit être chargé avec les numéros d’urgence locaux (112) et l’application de secours en montagne Salvamont. La couverture réseau est généralement bonne au sommet mais peut être inexistante dans certaines vallées.
Stratégie d’ascension: comment dompter le géant carpathique
Timing optimal: quand partir à l’assaut?
La période idéale s’étend de mi-juin à mi-septembre. Avant ou après, vous risquez de trouver la route fermée pour cause de neige. Contrairement au col du Julier dans les Alpes suisses, ouvert toute l’année malgré ses 2284m, la Transalpina reste une route saisonnière.
Privilégiez un départ matinal (avant 10h) pour éviter les orages d’après-midi fréquents en montagne et profiter de températures plus clémentes. Vérifiez toujours les prévisions météo locales avant de partir, les conditions pouvant changer rapidement.
Gestion de l’effort: où économiser, où attaquer?
Sur le versant nord, conservez de l’énergie sur les 50 premiers kilomètres relativement plats. Le véritable défi commence après le lac Oașa, avec une intensification progressive jusqu’au col d’Urdele.
Sur le versant sud, la difficulté est concentrée dans les 30 premiers kilomètres jusqu’à Rânca. Adoptez une cadence régulière (70-85 RPM) et évitez les sursauts de puissance sur les pentes supérieures à 8%.
Les pièges à éviter: sécurité et vigilance
Méfiez-vous des chiens errants dans les villages traversés et des ours occasionnellement signalés dans les zones forestières. Un sifflet peut s’avérer utile pour éloigner les animaux.
La descente après le col d’Urdele présente des virages serrés et des à-pics impressionnants: modérez votre vitesse et anticipez les trajectoires. Attention également aux changements de revêtement parfois brusques, notamment après les zones récemment réparées.
Au-delà du col: découvrir les trésors cachés des Carpates
Circuit de découverte: la boucle parfaite de 110 km
Pour une expérience complète, optez pour la boucle de 110 km au départ de Sebeș. Cette boucle vous permet de gravir la Transalpina par le nord, de profiter des panoramas du col d’Urdele, puis de redescendre partiellement vers Obârșia Lotrului avant de revenir à Sebeș par une route alternative.
Ce circuit offre un excellent équilibre entre défi sportif (2275m de dénivelé positif) et découverte culturelle, avec des passages dans des villages traditionnels et des paysages variés. Comptez 6 à 8 heures pour un cycliste de niveau intermédiaire, pauses comprises.
Les joyaux patrimoniaux à ne pas manquer
À Șugag, prenez le temps d’observer l’architecture saxonne typique des maisons traditionnelles, témoins de l’influence germanique dans cette région de Transylvanie. Ces villages préservés offrent un aperçu authentique de la vie rurale roumaine.
Le lac Oașa, situé à mi-parcours du versant nord, mérite une pause contemplative. Ce lac glaciaire entouré de forêts denses offre un contraste saisissant avec les paysages alpins qui vous attendent plus haut.
Expériences gastronomiques pour cyclistes affamés
À Obârșia Lotrului, la Cabana Obârșia Lotrului propose des plats traditionnels roumains parfaits pour reprendre des forces. Leur terrasse offre une vue imprenable sur les montagnes environnantes.
Dans les villages traversés, n’hésitez pas à goûter aux spécialités locales comme le « bulz » (polenta au fromage) ou la « ciorbă » (soupe aigre-douce), des carburants idéaux pour cyclistes. Les produits laitiers artisanaux vendus directement par les producteurs locaux valent également le détour.
Informations pratiques: l’essentiel à savoir avant de partir
Services cyclistes: où trouver assistance et hébergement?
À Sebeș, point de départ idéal, le tour-opérateur Bike in Time propose des services d’organisation de tours et d’assistance technique (code promo « 10% discount » disponible). L’Hôtel Sebeș offre un stockage sécurisé pour les vélos.
Pour les réparations, le Bike Shop de Sebeș (ouvert de 9h à 18h sauf le dimanche) propose des services de réparation et de location. Notez que les services spécialisés pour cyclistes sont rares une fois sur la route, prévoyez donc l’essentiel pour l’auto-dépannage.
Météo et saisonnalité: quand éviter absolument la Transalpina?
La route est généralement fermée d’octobre à juin en raison de la neige. Même pendant la saison d’ouverture, les conditions peuvent varier considérablement: températures de 15-25°C en été au sommet, mais possibilité d’orages violents l’après-midi.
Consultez toujours les prévisions météo locales avant de partir et soyez prêt à adapter votre plan. Les applications météo spécialisées pour la montagne sont plus fiables que les prévisions générales pour cette région aux microclimats complexes.
Préparation administrative: documents et contacts essentiels
La Roumanie étant membre de l’UE, une carte d’identité suffit pour les ressortissants européens. Vérifiez que votre assurance voyage couvre bien la pratique du cyclisme et les activités en montagne.
Enregistrez les numéros d’urgence locaux: 112 (numéro d’urgence européen) et le service Salvamont pour les secours en montagne. Avant de partir, consultez ces conseils pratiques pour voyager à vélo en Europe de l’Est.
La Transalpina: bien plus qu’une simple ascension
Gravir la Transalpina, c’est s’offrir une expérience cycliste complète alliant défi sportif modéré et immersion culturelle profonde. Contrairement aux cols alpins surpeuplés, ce géant roumain offre une authenticité préservée et des paysages à couper le souffle, loin des foules. Que vous choisissiez l’approche progressive du nord ou l’assaut direct du sud, la Route du Roi vous récompensera par une aventure inoubliable au cœur des Carpates sauvages. Pour planifier au mieux votre aventure sur ces 148 kilomètres d’exception, découvrez les distances idéales à parcourir quotidiennement en bikepacking montagneux.
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